Le contenu de l'audience est conditionné par la qualité des rapports établis par les travailleurs sociaux et les experts. Le Juge y recherche les éléments potentiels susceptibles de caractériser un danger pour l'enfant, et c'est à partir de cette lecture qu'il va organiser le débat entre enfant, familles et travailleurs sociaux pour que chacun puisse exposer ses arguments. D'éventuelles carences dans les rapports sont susceptibles d’entraîner des réactions vives des familles et d'empêcher un débat contradictoire approfondi.
Qualité des écrits de l'ASE
La plupart des familles critiquent vertement le contenu des rapports de l'ASE (qui rapportent d'ailleurs très rarement la parole des parents). Ces rapports sont souvent une collection d'informations, de ressentis, d'hypothèses, d'analyses, qui proviennent d'un peu tout le monde : l'éducateur, la psy, l'hébergeur de l'enfant,.... Ils peuvent même être écrits "à plusieurs mains", presque anonymes dans la mesure où l'enfant et la famille ne savent pas qui dit quoi.
Mais bien sûr, vous n'êtes pas obligé de les croire sur parole. Aussi, voyons plutôt ce qu'en dit Michel Huyette, avec sa longue pratique de juge des enfants :
"Un reproche majeur et fréquent peut leur être adressé : le manque de précision dans la description de la famille et des événements qui ont parsemé la période écoulée. Les rapports écrits sont pleins de phrases approximatives, de mots et d’expressions vagues ou à multiples sens, de résumés excessivement succincts de faits non décrits, d’affirmations péremptoires non étayées par un argumentaire détaillé. Les rapports manquent cruellement de détails concrets, d’illustrations et d’exemples précis de faits."
... "Il doit toujours mettre en avant ce qui fonctionne bien, les capacités positives des parents et des mineurs."
... "On peut se demander si la présence de nombreuses descriptions anecdotiques inutiles ne cache pas, dans certains cas, l’absence d’éléments importants ..."
... "Ce qui rend la lecture des rapports sociaux et leur analyse souvent difficiles, c’est le mélange dans un même paragraphe d’observations concernant des aspects différents des situations. On trouve fréquemment dans une seule phrase des observations concernant par exemple l’alcoolisme d’un parent, la violence dans le couple, la santé des enfants, ou leur scolarité. Puis certains de ces aspects sont repris dans d’autres paragraphes, puis parfois repris encore une troisième fois plusieurs pages plus loin."
... "Les phrases allusives sont un véritable problème dans la rédaction des rapports éducatifs.... les sous-entendus ..."
... "Les affirmations insuffisamment justifiées : Il s’agit ici d’une autre critique majeure et grave qui doit être faite à la plupart des rapports sociaux."
et il étaye ses assertions par une multitude d'exemples concrets. En voici quelques-uns.
- - le juge doit demander des informations complémentaires écrites pour chaque affirmation insuffisamment étayée
- - former les travailleurs sociaux à la rédaction des rapports
- - définir ce que doit contenir le rapport et comment structurer les éléments
Qualité du rédacteur
Qu'il soit unique ou multiple, l'auteur - ou les auteurs - sont "assistants de service social", et en tant que tels, ils ont l'obligation de faire enregistrer leur diplôme auprès de l'Agence Régionale de Santé du département où ils exercent leur activité. Après contrôle, l'ARS attribue un numéro ADELI et inscrit le TS sur la liste ADELI du département. (ADELI=Automatisation DEs LIstes).
La loi permet au public de prendre connaissance de ces listes (une par profession). (Arrêté du 12.07.2012 ADELI Art.3). Mais pas de possibilité de consulter ADELI par internet. Il vous faut demander demander, par écrit, à l'ARS de votre département. (mail standard : ars-dt##-adeli@ars.sante.fr en remplaçant ## par le n° du département. Sinon, contactez votre ARS régionale). L'ARS doit vous envoyer une copie de la liste, possiblement par mail (avis CADA sur la communication par mail).
Une petite modification de la loi pourrait facilement éviter ce contrôle :
- - imposer de mentionner sur chaque rapport n° ADELI, diplôme, année et ville d'obtention du diplôme de chaque auteur
- - mettre en place un accès internet public du répertoire ADELI
Délais de dépôt des rapports :
On vient de le lire : le juge doit avoir le temps matériel de demander des précisions écrites à l'auteur du rapport.
Dans un article précédent (à lire ici), nous vous expliquions qu'il faut laisser le temps à l'enfant et à la famille de consulter les mises à jour du dossier d'assistance éducative puisqu'ils ne peuvent pas avoir la copie du dossier.
Toute transmission de rapport juste avant l’audience - voire en cours d'audience - doit être totalement proscrite par le Juge. Et même, une réception tardive en présence d'une demande expresse de la famille et/ou de l'enfant de pouvoir consulter le dossier peut justifier un report d'audience, et cela, même si la mesure d'assistance éducative arrive à expiration avant la nouvelle audience.
Un délai d'au moins 2 mois avant la fin de la mesure est donc indispensable pour laisser le temps au Juge de contrôler et aux enfants et familles de consulter. Les derniers événements pourront être relatés s'il y a lieu en cours d'audience.
Car il parait indispensable que l'auteur du rapport soit présent à l'audience, pour qu'il puisse expliquer et argumenter autour de son rapport.
La qualité moyenne à médiocre des rapports de l'ASE, les éventuelles irrégularités et les dépôts tardifs, parfois, l'absence de leur auteur, toutes ces raisons font que, dans un trop grand nombre de cas, l'audience ne sera qu'un simulacre de débat contradictoire, bloqué sur des généralités et des réparties stériles, à cause d'écrits trop vagues, trop imprécis et sans preuves.
C’est du crédit des professionnels que découle leur efficacité.
Et tout commence par le contenu de leurs écrits.
Et nos sincères remerciements à Michel HUYETTE pour son Guide de la Protection Judiciaire des Enfants en téléchargement libre dont s'inspire plus que largement cet article.
Quelque soit la qualité de ces rapports, il est indispensable que les enfants et leurs familles les consultent et les recopient méticuleusement car il leur faudra répondre précisément aux affirmations et interprétations qu'ils contiennent ... La réflexion sur chaque argument, telle que celle menée par M. HUYETTE dans ses exemples, le juge ne la fera pas forcément (manque de temps ? de goût ? nous verrons par la suite). Alors, pour éviter ce risque, faites vous-même cette analyse ... |
7 commentaires:
« Il est indispensable que les familles consultent et re orient les rapports ». Mille fois oui !
Mais dans mon département c’est La Croix et la bannière d’y avoir accès pour les consulter, il faut faire plusieurs demandes écrites et relancer le greffe, et la prise de note est interdite lors de la consultation et on est sanctionné si on y contrevient (ordonnance interdisant les futures consultations).
Dans mon cas, au tribunal de Nanterre, la prise de notes est possible et la durée de la consultation est de 1 heure. Il est impératif de consulter ce dossier car le contenu peut être très surprenant et contenir des élements très derangeants et inexacts. La parole de l'enfant peut y être reprise et altérée (il a dit non à quelque chose et on notera à l'inverse qu'il est d'accord, etc ..). La consistance n'est pas celle d'un document objectif mais d'un document à charge, allant dans le sens d'une déficience parentale, etc...
Bonjour! Est-il possible d aller consulter le dossier (sans être son avocat) avec la personne qui ne maîtrise pas le français ?
Avec une application stricte de la loi, je ne le pense pas. Mais si, lors de la demande au greffe/au JE, vous précisez cette présence et vous la motivez (par des problèmes de compréhension de l'écrit ou même de lecture), j'espère que le respect du contradictoire pourrait rendre possible cette légère entorse à la loi.
Les rapports de l'ASE sont de véritables réquisitoires auxquels les familles n'ont que trop parciellement accès. Pire les juges reçoivent les ASE hors audience. Ainsi les familles ne peuvent contredire quoi que ce soit. Mon conseil, ne pas saisir la justice surtout si vous n'êtes pas une famille maltraitante. Saisissez un enquêteur privé si vous en avez les moyens.
Pour quelles raisons aller en justice ou prendre un enquêteur privé ??? J'avoue ne pas comprendre l'objectif de votre remarque
Je suis altéré par le fonctionnement. De l'ASE et ASAEL des Landes en collaboration avec la juge des enfants : rapports à charge des services de l'enfance pour dénigrer un père intègre au profit d'une mère menteuse, manipulatrice, qui instrumentalise son enfant et le détruit.
Ouvrez l'œil Mme la Juge
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